Création janvier 2017 (Le Point Ephémère, Paris)
Pièce pour 12 danseurs
Durée : 60 minutes
Notre monde crée des icônes, des images, des idoles, des playboys, des babydolls… Ces modèles scintillent sur les écrans de nos représentations. En 1888 Nietzsche écrivait Le Crépuscule des Idoles. Il s’agirait, aujourd’hui pour nous, de connecter ces images apolliniennes à une part Dionysiaque. Dionysos se cache sous Apollon, il le répète pour mieux le déplacer. De même, nous jouons à investir des images lumineuses en apparence pour les doubler d’une puissance mouvante. Dionysos joue avec le rayonnement, la clarté, la beauté d’Apollon, pour les entrelacer à une part obscure. Obscur, ne veut pas dire terrible, démoniaque, dangereux. Obscur se rapporte au cœur informulé des choses, des idées, des images. C’est une intensité de vie, un fourmillement de puissances. Il s’agirait alors peut-être d’obscurcir les babydolls, de les mener à leur crépuscule afin qu’elles s’animent d’une vie et d’une intensité qui les rendent plus lumineuses. Mais cette luminosité ne serait ni le soleil de midi ni les feux de la rampe. Elle serait une oscillation, un scintillement, une intensité, une douceur. Il s’agirait de faire en sorte que la représentation soit poussée jusqu’à la différence, qu’elle conquière l’obscur.
Il est nécessaire pour vivre un tel processus, de renoncer à des habitudes ou à des formes établies, connues, référencées, pour produire quelque chose qui n’a pas encore de visage et qui investit le chaos. Il nous semble nécessaire d’accepter pour un temps l’incertain, le provisoire, le bancal, et de renoncer à un sens qu’on aurait posé à l’avance ; accepter également d’être mu autant que de mouvoir pour voir jusqu’où les intensités que l’on convoque nous mènent. Dionysos s’agence à Apollon, le chaos se compose avec le cosmos. C’est un coup de dés, chaque fois réitéré, un processus de production à la fois aléatoire et maîtrisé. Il ne s’agirait plus alors d’opposer chaos et cosmos ou encore Dionysos et Apollon, ni même de les agencer, car ils coïncident.
Nadia Vadori-Gauthier